Denys Desjardins et Jacques Leduc
Lors des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal en novembre dernier, ma femme Jocelyne Clarke a assisté à un atelier très intéressant avec Jacques Leduc, Denys Desjardins et Richard Brouillette, autour d’une série de films unique: Chronique de la vie quotidienne. Jocelyne est réalisatrice ( Edith et Michel) et a participé à la programmation aux Rencontres depuis le début.
J’ai cessé de compter le nombre de fois que le mot “liberté” à été prononcé en référence à cette oeuvre unique dans l’histoire du documentaire québécois. Produit officiellement en 1977 (mais entamé plusieurs années avant) par Jacques Bobet à l’ONF, conçue et réalisée par Jacques Leduc en collaboration avec quelques douzaines d’autres illustres artisans du cinema d’ici, elle s’étale sur 4 heures et demi, réparties en 8 films de longueurs disparates variant de 10 à 82 minutes. L’idée et l’urgence étaient un retour au cinema direct – déjà “contaminé” par l’arrivée en force de la television (que Leduc qualifie de “moyen de transmission” et non de “langage cinématographique”). On voulait témoigner de l’époque à travers les grands axes de la vie – l’amour, l’argent, l’alimentation, l’habitation, la mort. Des petites équipes partaient tourner quelqu’événement – un défilé d’hommes en bobettes, la construction de maisons en banlieu, un groupe de femmes aisées s’affairant à des oeuvres charitables. Des clichés insolites mais essentiels, du quotidien de la ville en ces temps encore innocents. Le matériel s’organisait au fur et à mesure, dans un va-et-vient organique entre les tournages et le montage. Le piétage fut réparti en thèmes qui devinrent éventuellement les jours de la semaine. Avec les chutes trop précieuses pour laisser de côté mais qui n’entraient pas dans la structure découverte, on a monté un dernier petit court – Le plan sentimental – remarquable autant pour son visuel improvisé que sa trame sonore soigneusement élaborée.
La discussion s’est attardée un bon moment autour de la question – une telle oeuvre pourrait elle être réalisée aujourd’hui? Pas de réponse catégorique mais on était d’accord généralement que les contraintes télévisuelles – les longueurs fixes, l’exigence de scénarios détaillés, les quittances – vont à l’encontre d’une telle liberté, sans toutefois la brimer complètement. On a parlé aussi d’une naïveté et d’une insouciance face à la caméra, longtemps révolues dans la foulée des “reality shows”. Aujourd’hui par contre, l’accès aux technologies légères et à diverses formes de distribution sont des atouts inconnus à l’époque.
Une série remarquable trop peu apprécié par le public et qui mériterait certainement son coffret DVD. Pour en savoir plus, aller sur le site de l’ONF et faites une recherche dans la collection sous “série”, ou rechercher chaque titre, que voici:
Lundi – Une chaumière, un coeur.
Mardi – Un jour anonyme.
Mercredi – Petits souliers, petits pains.
Jeudi – À cheval sur l’argent
Vendredi – Les chars.
Samedi – Le ventre de la nuit.
Dimanche – Granit
Hors série – Le plan sentimental.