Dix fois Dix de Jennifer Alleyn

Danseuse - Otto Dix

J’ai toujours été fasciné par la peinture et la musique de la République de Weimar, la période d’entre les deux guerres mondiales en Allemagne. Mon amie Jennifer Alleyn a un film sur un des artistes le plus représentatifs de cette période, Otto Dix, et le film prend l’affiche cette semaine à Montréal et à Québec. C’est un film en dix tableaus, d’où le titre Dix fois Dix.

Jennifer est la fille du peintre Edmund Alleyn sur lequel elle a fait un excellent film, ‘L’Atelier de mon père’. Après la sortie de ce film, l’histoire d’un tableau de Dix retrouvé à Montréal l’a mis sur la piste de ce nouveau film. Inspiré par Nietszche et par sa propre expérience en tant que soldat dans la première guerre mondiale, et par ce contexte de crise économique et politique qui allait mener à la montée du nazisme, Dix confronte les sujets les plus durs : la guerre, la prostitution.

Jennifer raconte :

Jennifer Alleyn2

Après ‘L’atelier de mon père’, il me fallait un sujet fort. En fait, je me demandais vraiment ce que je pouvais faire après. J’attendais de retrouver la même certitude, un lien très fort au sujet. L’univers d’Otto Dix, en plus de dépeindre des réalités dures et malheureusement criantes d’actualité (la guerre, la prostitution), comportait des aspects de mystère qui m’ont happée complètement. Pour me distraire, je suivais un cours d’histoire de l’art et c’est là que j’ai découvert le Portrait de l’avocat Hugo Simons,1925 d’ Otto Dix, qui est dans la collection du MBAM.

Ce tableau a eu beaucoup d’effet sur moi. Il m’inquiétait et m’envoûtait à la fois. C’est ce sentiment paradoxal, d’horreur et de beauté, de frayeur et d’attrait, qui m’a donné le goût de creuser l’oeuvre.

J’ai alors appris qu’une grande exposition allait se poser à Montréal, au MBAM et me suis dit que si j’obtenais la permission de filmer les tableaux, la création de l’exposition, l’accrochage, j’avais une porte d’entrée dynamique et cinématographique. Puis l’idée de greffer des épisodes de la vie de l’artiste, par des incursions dans ses lieux (maison de famille à Hemmenhoffen, Galerie à Berlin, etc..) ont fait sortir le film des murs du Musée.

FIFA - Peter Duschenes avec le portrait l’avocat Hugo Simons (1925)

L’histoire du Portrait de l’avocat Hugo Simons, 1925, était tellement romanesque, avec ce procès et la fuite de l’avocat juif vers le Canada, la correspondance soutenue sur plus de vingt ans entre l’artiste et l’avocat, m’ont convaincu qu’il y avait, derrière, tout une charge émotionnelle qui enrichissait l’oeuvre. Comme une archéologue, je suis partie à la recherche de ce terreau fertile qui donne aux oeuvres cet aura de mystère, bâti par le temps, les mouvements de l’Histoire, la vie humaine.

Il y avait un certain défi à explorer la trajectoire d’un homme qui a tué (Dix était soldat en 1914 et encore en 1945) et son oeuvre fait état des traumatismes qui l’ont poursuivis toute sa vie. J’ai été attirée par la force, le courage qui émanait de son parcours. Considéré comme un artiste dégénéré par les Nazis, il n’a pourtant jamais cessé de peindre. De dire et de montrer les horreurs dont il avait été témoin.

Dans mes recherches, je suis tombée sur cette phrase de Nietszche : “L’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité”. Sachant que Dix avait été très touché par la philosophie de Nietzsche, cette phrase qui a trotté dans mon esprit pendant un an et guidé mon film. Je crois qu’elle offre une vrai clé pour comprendre l’oeuvre de Dix.

J’avais je crois besoin de me dépayser mentalement, me confronter à un univers plus cru, plus choquant de la peinture.

PROJECTIONS:

‘Dix fois Dix – un portrait du peintre allemand Otto Dix’ prend l’affiche du cinéma Beaubien à Montréal et du cinéma Le Clap à Québec avec en avant programme, La vie imaginée de Jacques Monory, un autre film de la réalisatrice Jennifer Alleyn. Du 4 au 10 nov. 2011

” C’est très fort. Rythmé. Inattendu. Profond. Émouvant. Surprenant.” – Nancy Huston

Voir la bande-annonce.

Lauréat du “Prix tremplin pour le monde Artv” – FIFA 2011.

Sélection officielle Pessac (France) – Festival international du Film Francophone en Acadie 2011

Published by

Magnus Isacsson

As an independent documentary filmmaker I have made some fifteen films dealing with social, political and environmental issues. Previously I was a television and radio producer. I was born in Sweden in 1948, immigrated to Canada in 1970. I live with Jocelyne and our daughter Béthièle in Montreal, and my older daughter Anna lives in Toronto.