Métissé sérré: le dernier droit d’un concours inspirant

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Abdallah de Mile-end, le personnage du film de Adam Shamash.

Je ne sais pas si vous connaissez le concours ‘Métissé Serré’ de Radio-Canada ? Mais c’est une belle expérience participative, très bien organisée. Pas une surprise, car un des responsables est Michel Coulombe (bio) que nous connaissons en tant que fondateur du défunt programme ‘Silence on court.’

Vous aurez une chance de voter dans la finale du concours cette semaine – allez voir sur le site du concours
J’ai posé quelques questions à Michel Coulombe qui me dit:

“A ma connaissance, oui, nous innovons. Il y a eu plusieurs concours ici et ailleurs qui ont mené à des compétitions en ligne, notamment par le biais de Silence, on court! dont j’assumais la programmation, mais je n’ai rien trouvé qui ressemble à ce que nous avons mis en place sur le thème de l’immigration. Le concours est né suite à la proposition que m’a faite Radio Canada International l’hiver dernier, à partir de laquelle j’ai jeté les bases de ce qui est devenu Métissé serré/Digital Diversity et sa suite, Génération DX2. Tout le financement vient donc de RCI, à l’exception des partenariats que nous avons établis pour pouvoir remettre des prix. Plus des deux tiers des films soumis sont des documentaires.

De toute évidence, il y a bon nombre de visionnements de l’étranger, ce qui est dû notamment au réseautage attribuable aux sujets des films. Là dessus nous ne pouvons que nous fier à l’information que nous trouvons dans les commentaires qu’on nous laisse dans lesquels les internautes s’identifient parfois. Le succès du projet se mesure d’ailleurs non seulement en ligne mais aussi au nombre de projections qui ont lieu non seulement aux quatre coins du pays (Halifax, Toronto, Montréal, Québec, Gatineau, Vancouver, etc.) mais également à l’étranger (Cuba, France, États-Unis, Maroc, Colombie, Bénin, Mexique, etc).”

J’ai demandé à mon assistante Jeanne Pope de faire une petite entrevue avec un des participants qui fait un stage avec moi. Voici le texte de Jeanne:

Adam Shamash est un jeune cinéaste montréalais présentement à sa dernière année d’études à l’Université Concordia. Son plus récent projet documentaire explore la singularité de la spiritualité humaine. Il s’intéresse à la sagesse traditionnelle, au karaté et il raffole de la crème glacée. Visitez son site web

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Adam Shamash

Ce que j’ai aimé de ce film c’est sa spontanéité, sa dynamique, et bien sûr Abdallah qui, avec ses blagues et ses taquineries, attire notre attention et nous entraîne dans ses courses farfelues à travers le Mile-End. Je n’en dis pas plus, vous devriez juste le voir et laisser Adam vous convaincre à voter pour son film.

Qu’est-ce qui t’as incité à participer à ce concours ?
“Depuis un certain temps je voulais travailler sur un projet qui montrerait l’originalité du quartier Mile-End et quand j’ai entendu parler du concours sur l’immigration, j’ai décidé que mon ami Abdullah, canadien d’origine djiboutienne, serait un guide culturel parfait.”
Pourquoi Abdullah?
“Pour moi, Abdullah a une excellente notion de l’identité; il vient d’un pays traditionnel et porte en lui la sagesse ancestrale et les histoires de son enfance à Djibouti. En même temps, il est tout à fait heureux et à l’aise avec le fait d’être canadien. Il est comme une tapisserie multiculturelle. Il s’entend bien avec tout le monde et il a des idées très positives sur la vie.”
Qu’est-ce que tu penses du format?
“Je pense que le format vidéo est excellent, car il t’oblige à être concis pour réussir à raconter ton histoire en moins de 7 minutes. Il y a un grand nombre de très bons films en compétition, et ce concept du cinéma-sur-internet est vraiment excitant : on peut soumettre son film et le visionner sans que ça coûte très cher.
La seule critique négative que j’ai entendue sur le concours est que la mise en page du site web est trop compliquée. L’autre problème est la question du vote : à chaque fois qu’un film se rend à l’étape suivante, le compteur est remis à zéro, ce qui veut dire que le réalisateur doit à nouveau contacter ses amis pour qu’ils votent une autre fois. Dans l’ensemble cette expérience a été formidable et l’équipe de Métissé Serré de Radio Canada a été très professionnelle.”

Merci à Jeanne et à Diana Lazar !

Tournage État d’Urgence 07

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Photo Marc-André Verpaelst

Hier soir nous avons commencé un tournage à État d’Urgence 2007, un ‘happening” artistique et social qui occupera la place Émilie Gamelin à Montréal jusqu’à dimache le 25 Nov. Organisé par les artistes Annie Roy et Pierre Allard, les fondateurs de ATSA ( Action Terroriste Socialement Acceptable), l’évenement en est à sa 8e édition. C’est l’occasion pour les exclus et les gens de tous les milieux de se rencontrer, se rechauffer, manger, participer à des activités et assister à une multitude de spectacles. Venez faire un tour !

Pour ce qui est du tournage, je travaille depuis deux ans déjà sur le projet ‘Urgence Création,’ avec mon proche collaborateur Simon Bujold. Pour l’instant nous n’avons qu’une subvention de rechereche de la SODEC, mais lorsqu’il y a des choses qu’il ne faut pas manquer nous sortons évidemment notre caméra. Nous avons approché une productrice formidable, Jeannine Gagné de Amazone film, qui est très intéressée à produire le film. Après deux ans, Annie et Pierre sont devenus des amis. Leur intervention est admirable. Le sujet véritable du film est l’intensité de l’engagement, avec la création, avec la société, avec la vie.

Voici un petit vidéo tourné par notre stagiaire Alex Hamel. Les deux joyeux techniciens qui dansent, ce sont Simon et moi.

[youtube TpC3VIHVxTg]

Et ici nous sommes en train de faire une entrevue avec mon ami et voisin le grand sculpteur Armand Vaillancourt. Il a installé un mur en acier couvert de barbelés à État d’Urgence, symbole de l’exclusion.

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Clôture des 10e Rencontres du Documentaire de Montréal

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Le père Jerôme Ledoux, personnage principal du film ‘Shake the Devil Off.’

(There will be an english translation of this post in a few days.)

Les Rencontres (Montréal) se sont terminées en beauté, avec un film de clôture que j’ai adoré, ‘Shake the Devil Off’ ( ‘Chassez le démon’) de Peter Entell, de la Suisse. Tourné à Nouvelle-Orléans, le film documente la lutte d’une population majoritairement noire pour la sauvegarde de sa paroisse, St.Augustin. Dans ce coin dévasté par le passage de l’ouragan Katrina, l’église avec son merveilleux pasteur représente à la fois leur identité historique et une solidarité actuelle. Mais la hiérarchie de l’Église catholique trouve qu’elle ne rapporte pas assez. L’archevêque veut la fermer, il veut imposer un curé blanc de la paroisse à côté. Le film suit toute la bataille qui s’ensuit d’une façon exemplaire, se collant à la peau des personnages, croquant tous les rebondissements et revirements de situation. L’utilisation de la musique pour rappeller l’héritage de l’ésclavage et de la culture afro-américaine est merveilleuse et rythme le film. Un vrai chef d’oeuvre !

Le prêtre Jerôme Ledoux est un personnage extraordinaire, et il était là, en compagnie de Peter Entell pour la ccérémonie de clôture. Dansant sur la scène, il a réussi à entraîner toute la salle dans des gospels !

Père Ledoux 071117-358

Merci au RIDM pour la belle programmation, et pour les photos.

Le coup de coeur de Serge Giguère: Comme à Cuba.

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Photo du film Comme à Cuba.

Il y a quelques semaines j’ai assisté à un ‘atelier de maître’ de Serge Giguère, un de nos grands cinéastes documentaires. Son film le plus récent, l’extraordinaire À Force de Réves, (Productions du rapide blanc) a gagné le Jutras du meilleur documentaire 2006. Avec l’aide de mon ami Simon Bujold je l’ai filmé, et nous aurons l’occasion d’en reparler. Entretemps, j’ai demandé à Serge de nous parler d’un film qu’il a aimé aux Rencontres du documentaire de Montréal.

Serge Giguère

Voici son choix:

“J’ai vu un film hier soir aux Rencontres qui m’a beaucoup touché, son titre: Comme à Cuba. Un film que le cinéaste Fernand Bélanger a laissé non terminé avant son décès. Ses amis, Louise Dugal et Yves Angrignon ont terminé cette oeuvre pour notre bonheur.

Pendant plus d’ une heure on se laisse entraîner par des chansons populaires cubaines sur des images de travailleurs qui font de petits métiers et de la vie quotidienne des gens ordinaires. Pas d’entrevues, juste des journées qui passent.

C’est étonnant de voir le montage de ce film où il y a une parfaite synchronicité entre ce qu’on entend dans les chansons et ce qu’on voit à l’image. Cela fait qu’on se sent proches de tous ces petits gestes quotidiens. C’est très réussi comme approche de l’âme cubaine. Il y a donc dans ce film un bel hommage aux gens d’un peuple qui malgré des contraintes de la précarité, réussit à trouver des instants de bonheur. Comme dit la chanson-thème qui revient comme une complainte et rythme le film bâti sur des journées: “quand arriverais-je à la maison?”. C’est une belle métaphore. Donc, un film sur la marche vers la liberté. Je vous souhaite de voir ce film et de vous laisser imprégner par ses images envoûtantes au coeur du quotidien cubain par des observateurs respectueux et amoureux. J’espère une belle diffusion pour ce film fait à bout de bras.”

Le Coup de Coeur de Carlos Ferrand: ‘Description of a Memory’

If my assistant Jeannette Pope isn’t completely swamped, this post will be available in English in the coming week.
Pilger

John Pilger, photo Simon Bujold.

Les Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal battent leur plein. Hier, j’ai vu The War on Democracy de John Pilger, qui s’était déplacé à Montréal. Pas mon genre de cinéma – les moments de spontanéité sont rares – mais une trés bonne analyse de l’intervention américaine et les forces progressistes en Amérique Latine. Et Pilger a été reçu en héros par une foule enthousiaste à l’Université Concordia. Une projection organisée conjointement avec l’impressionante série Cinema Politica.

La semaine passée j’avais demandé aux programmateurs des RIDM de nous dire leurs coups de coeur. Cette semaine ce sera le tour de mes amis cinéastes. Le programme du RIDM consacre une page à Carlos Ferrand, et le festival présente trois de ses court-métrages ainsi que son nouveau long-métrage Americano, produit par Les films du Tricycle. Carolos est un cinéaste visionnaire à l’affût des contradictions et ambiguités. Et il a une belle plume! Voici son coup de coeur, un film qui sera projeté cette semaine dans lequel un cinéaste Israélien reprend les matériaux d’un film de Chris Marker afin de construire sa propre vision des choses.
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Carlos Ferrand, en bas, dans le rôle du papa.

Carlos écrit:

“Description of a Memory”, le film de Dan Geva, reste dans la tête et
dans l’esprit comme le proverbial vin “long en bouche”. À contrario de
la mode qui met la “simplicité” et autres synonymes de facilité au
coeur d’un trop grand nombre de discours, voilà une oeuvre ambitieuse,
complexe, difficile, riche et exigeante. Comme la mémoire que Dan Geva
essaie de rattraper, le film a de multiples facettes. Chose étonnante
la forme et le contenu sont en harmonie. Absent de l’oeuvre est la
tyrannie du contenu, trop présente dans trop des documentaires où la
forme se couche à plat devant le maître Réalité. Non, ici le
spectateur doit travailler presque autant que le cinéaste. En effet,
Dan Geva fait courir nos méninges et nous oblige a recomposer
constamment ses propos, les marier avec les images et décoder les
signes du film de Chris Marker et du sien. C’est la chasse au Sens et
le film, tourné avec un épouvantable objectif grand angulaire, semble
gober le monde. Trop n’est pas assez et l’agressivité de l’image fait
penser au combat entre la mangouste et le serpent. Une lutte à mort
contre la stupidité et les idées reçues.

Dan Geva a des couilles. Dan et son grand-angulaire se mesurent à
Chris Marker, monstre sacré du cinéma indépendant qui se prête au jeu
avec une générosité qui prouve qu’il mérite être un monstre et qu’on
le sacre. Dan la mangouste lui croque la tête et cela a un goût amer
comme la plus part des meilleurs toniques.
À manger cru.”

Vu aux Rencontres: Le déshonneur des casques bleus

This post will be available in English in the coming days.
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Rape victims in the Democratic Republic of Congo.

J’ai vu encore plusieurs films aux Rencontres Internationales du documentaire de Montréal. Notamment le film danois The Monastery qui raconte une histoire tellement extraordinaire qu’on oublie que le tournage manque de professionalisme. Au Danemark, un vieil homme excentrique décide de léguer son château – il en a un, mais très délabré – à l’église orthoxe Russe, pour en faire un monastère. Lorsqu’arrive une délégation de soeurs pour en prendre possession, les tensions sont vives et parfois drôles. Et la cinéaste, Pernille Rose Gronkjaer, arrive a se rapprocher beaucoup du vieillard, M. Vig auquel on finit par s’attacher. Prix Joris Ivens à IDFA 2006.

J’ai vu aussi Ghosts of Abu Ghraib, une enquête très poussé sur le scandale de la torture dans cette prison infâme en Iraq. Une production pour HBO, style télévisuel léché et efficace, le film ne laisse aucun doute que les responsables ultimes de la torture sont les dirigeants politiques et militaires américains.

Mais je voulais vous parler en particulier du nouveau film de Raymonde Provencher, Le déshonneur des casques bleus, sur l’épidémie de viols et autres crimes sexuels commis par les soldats des Nations Unies dans plusieurs pays, en particulier en République démocratique du Congo ou l’essentiel du film a été tourné. C’est une enquête sans complaisance, très solide et très bien tourné qui se situe tout à fait dans la lignée d’un film précédent de Raymonde, War Babies, sur le viol comme arme de guerre. Les deux sont des productions de Macumba International, une petite compagnie de production avec une feuille de route impressionante, basée à Montréal.
Photo Raymonde

Il faut dénoncer les agissements des casques bleus, c’est clair, mais ça prend du courage pour le faire. J’ai demandé à Raymonde si elle a hésité, si elle a eu peur de donner des ammunitions aux ennemis des Nations Unies et du principe de l’intervention multilatérale pour assurer la paix. Voici sa réponse:
“N’a-t-on pas toujours un débat avec nous-mêmes lorsque nous sommes confrontés à de telles situations? Dire ou ne pas dire, n’est-ce-pas… Dans cette histoire, je suis carrément du côté des victimes. J’ai été tout-à-fait choquée par le comportement irresponsable de certaines personnes travaillant pour les Nations-Unies. Des personnes qui ont une autorité morale, quand ce n’est pas une autorité tout court, sur des populations civiles totalement vulnérables. Dès le début, j’ai spécifié dans mon scénario que je ne remettais pas en cause l’existence des Casques bleus. Faute de mieux, cet outil d’intervention de la communauté internationale doit être maintenu, mais on ne saurait tolérer qu’il soit à ce point perverti. On ne parle plus de cas isolés, mais de sérieux dérapages, de crimes, de pédophilie qui restent la plupart de temps impunis. Et les victimes? Déjà victimes de la guerre, de règlements de comptes, ayant tout perdu, déplacées dans des camps. elles ont vu arriver les Casques bleus avec l’espoir qu’enfin, leur cauchemar prendrait fin. Cela me fait penser à ces Rwandais qui ont cherché refuge dans les églises pendant le génocide, pour découvrir que le curé, ou la religieuse, était de mèche avec les tueurs… Alors non, je ne crois pas que je vais donner des munitions aux ennemis de l’ONU – ont-ils autre chose à proposer? – mais je ne crois pas que sous ce prétexte, on doit taire la vérité. Il faut corriger le tir, et c’est urgent, sinon, les Nations-Unies n’auront plus aucune crédibilité. Et c’est le travail de tout le monde, y compris les documentaristes, d’attirer l’attention sur les problèmes à régler..”

A voir, définitivement ! Il y aura une deuxième projection du film mardi le 13 à 20 hres, suivi d’un débat.

Vu aux Rencontres: De l’autre côté du pays

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Angelina dortoir
Angelina, un des personnages du film De l’autre côté du pays, dans le dortoir ou sa fille Charlotte a été enlevée par les rebelles et gardée captive pendant huit ans.

Les Rencontres du documentaire de Montréal ont commencé en force. J’ai trouvé le choix du film d’ouverture, Junior, un film de Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault, vraiment excellent. Les cinéastes ont passé un an à Baie-Comeau sur la côte nord du St.Laurent, immiscés dans une équipe de hockey junior, vivant coup par coup les décisions difficiles que doivent prendre – et surtout subir – des jeunes joueurs qui ont l’ambition de devenir des professionels. Un sujet original, un accès exemplaire, des choix ésthétiques très clairs ( on ne voit jamais le jeu, ce n’était pas le sujet; pas d’entrevues, le vécu est tellement riche on n’en a pas besoin…) Je salue la perséverence des cinéastes mais aussi l’excellent montage de René Roberge et la volonté de l’ONF ( les producteurs Yves Bisaillon et Johanne Bergeron) d’amener le film le plus loin possible.

Parmi les autres films que j’ai vu: De l’autre côté du pays, de Catherine Hébert, produit avec Brigitte Dion dans le cadre de Mango films. Un très beau film sur les victimes de la guerre civile en Ouganda, tourné dans la partie nord du pays. On s’approche des gens d’une façon très touchante, et on prend le temps de les écouter et les connaître. C’est un film dans lequel règne une certaine tension très fructueuse entre l’approche poétique de la cinéaste et les réalités très dures de la guerre. J’en ai parlé avec Catherine qui me dit ce qui suit:

Le film a été tourné dans la clandestinité. Le gouvernement ougandais ne permet à aucun journaliste ou cinéaste de s’éloigner à plus de 40 km de la capitale. Or, il faut franchir au moins 350 km pour se rendre au nord. Il fallait donc que l’équipement soit léger, discret, mais que la qualité du film ne s’en ressente pas. Aussi, comme les pannes d’électricité sont fréquentes, il ne fallait pas se fier sur le réseau électrique. Nous devions fréquemment recharger nos batteries de caméra à même une batterie de voiture. Le défi technique était de taille. Finalement, vu l’état des routes et l’impossibilité de se retrouver sur les routes la nuit (à cause des attaques des rebelles), se déplacer dans le nord a été particulièrement difficile.”
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Cathérine Hébert.

Le choix de faire un film si poétique sur un sujet aussi dur n’était pas évident. Tu peux m’en parler ?

“La première chose que j’ai dite à Annie Jean, le tout premier jour du montage, était que je voulais faire un film qui soit à la fois politique et poétique. Ça a été notre leitmotiv tout au long du montage. Comme j’avais déjà passé beaucoup de temps en Ouganda avant de commencer le tournage, j’avais une idée claire de la façon dont je voulais filmer ce pays et ses gens.

La guerre dans le nord de l’Ouganda est insidieuse, pérenne, sans grands éclats, dépourvue de tout arsenal technologique, mais pourtant omniprésente. Autrement dit, c’est une guerre qui se dévoile plutôt qu’une guerre qui se voit. La beauté des paysages luxuriants et la lenteur nonchalante des gens ne laissent pas deviner, à première vue, la présence d’une guerre continue. On est loin de l’imagerie occidentale de la guerre telle que nourrie par CNN. Il faut rester quelque temps sur place pour sentir un malaise et comprendre la violence étouffée qui enveloppe tout le nord du pays. J’ai dû en tenir compte tout au long du tournage et j’ai voulu me servir de ce contraste entre la beauté du pays et la violence du conflit.

C’est pourquoi j’ai choisi que la guerre soit révélée par des personnages dont le quotidien est façonné par la violence du conflit qui a cours, et par la peur. Le film expose la guerre telle que les gens la vivent maintenant, au quotidien, et qui les oblige à se cacher, à se déplacer, à se battre, à enfanter, à tuer. Tous les personnages révèlent comment la guerre ravage leur vie et quelles formes elle prend : tantôt celle de cohortes d’enfants qui se cachent pour la nuit, tantôt celle de camps de déplacés affreusement bondés.

Je voulais qu’à travers les images, on sente une compassion mais pas de commisération. Trop souvent, les films tournés à l’étranger s’affranchissent mal de l’effet de distanciation. Le documentaire « politique » sacrifie parfois la forme – et c’est inévitable dans certains cas. Je suis toutefois convaincue que lorsque c’est possible, il faut mettre la forme au service du fond et de la dénonciation. Un documentaire peut être à la fois politique et esthétiquement achevé; il peut être une enquête cinématographique corsée, mais délicieusement imagée. Je ne souhaitais pas simplement poser ma caméra sur les personnages : je voulais les accompagner plus que les observer. La caméra est avec eux plutôt que sur eux.

Dans le film, je souhaitais retransmettre cette atmosphère où tout semble paisible. Par le rythme des images et du montage, par la construction sonore aussi, je voulais créer un contrepoint entre, d’une part, le drame évoqué et, d’autre part, la trompeuse sérénité des gens et des lieux. La menace n’est pas ponctuelle, mais continuellement présente malgré l’absence de signes ostentatoires. Cette tension fait partie des nombreuses contradictions propres à l’Afrique et à ce conflit.

Et finalement, il ne faut pas oublier que ces images sont aussi nées de la très grande sensibilité et du formidable travail du directeur photo Sébastien Gros. Elles ont aussi été grandement influencées par les nombreuses discussions d’équipe que nous avons eues, le soir après le visionnement des rushes, avec le directeur photo et Mélanie Gauthier, la preneuse de son, conceptrice sonore du film et fidèle complice.”

Il y aura une autre projection du film samedi le 17 Nov. à 20.15 à la cinémathèque. Catherine Hébert et Raymonde Provencher participeront à un débat sur Femmes cinéastes en pays en guerre mardi le 13 à 20.00. Je vous reparlerai du film de Raymonde, Le déshonneur des casques bleus.

Rencontres du documentaire: les incontournables des programmateurs

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André Paquet, programmateur principal du Festival.

Cette semaine commencera les Rencontres internationales du documentaire de Montréal, avec une programmation très impressionante! Je vous encourage fortement à y participer. L’évenement a lieu du 8 au 18 Novembre. En plus des films, il y aura des panels, des ateliers et des événements spéciaux. Vous trouverez le programme du festival sur le site web du RIDM.

Et maintenant, un spécial pour vous: les coups de coeur et les incontournables des programmateurs, que je remercie beaucoup!

Liste du programmateur principal André Paquet

Salut Magnus,

Voici quelques pistes:

CAMÉRA STYLO:

  • AMERICANO de Carlos Ferrand (Québec)
    Comme le dirait Jean Chabot: voici un voyage en Amérique avec une caméra «empruntée». Un parcours vertical transaméricain qui s’inspire de Kerouac et/ou Tocqueville. (sur le mode de: Quinze jours dans le désert américain de Tocqueville)
  • BLOCKADE de Sergei Loznitsa (Russie)
    Un regard en arrière sur la grandeur du cinéma Russe et l’extrordinaire qualité de ses chefs opérateurs.
  • DESCRIPTION OF A MEMORY de Dan Geva (Israël)
    Un cinéaste israelien nous invite à une relecture du célèbre Description d’un Combat de Chris Marker… Comme dans une pièce musicale il l’interprète en prolonge l’analyse et le doute exprimés déjà dans les années soixante. Ici avec la complicité du même Marker !
  • POTOSI , LA FIN DU VOYAGE de Ron Havilio (Israël)
    Loin du conflit qui ronge son pays, voici un autre regard transaméricain traversé par la mémoire. Portrait intime mais pudique d’un couple amoureux qui veut revivre un souvenir, mais aussi le partager avec ses enfants. Inspiré et lyrique ! … dans la démarche comme dans la durée.

CAMÉRA AU POING:

  • À CÔTÉ de Stéphane Mercurio, (France)
    La France carcérale est-elle encore le pays des «drois de l’homme» ?
  • Le SYSTÈME POUTINE de Jean-Michel Carré (Frane)
    Ou la tentation de renouer avec un Empire deux fois remis en question.
  • TROIS FILLES DANS LA GUERRE de Meira Asher (Hollande)
    Images et témoignages semblent ici être le fil tendu entre l’horeur et le sentiment d’impuissance d’une génération perdue.
  • ARGENTINE LATENTE de Fernando Solanas (Argentine)
    Retour sur un pays dont l’indépendance est dans la mire du FMI et de la Banque Mondiale dans la foulée des dictatures qui l’ont saccagé. Troisième volet de la tétralogie du grand cinéaste argentin.

PREMIÈRE CAMÉRA:

  • CAN TUNIS de Jose Gonzalez Morandi & Paco Toledo (Espagne)
    Du direct comme on l’aime chez-nous ! le Barcelone des Zones et des gitans, laissés pour compte d’un boom immobilier.
  • LIFE IS A LONG LASTING DAY de Svenja Kloh (Allemagne)
    Un regard sur l’exclusion planifiée issue de la mondialisation.
  • STREET THIEF de Malik Bader (USA)
    Trouver l’erreur ou comment départager le vrai du faux dans le documentaire.

ECOCAMÉRA:

  • 4 ELEMENTS de Jiska Rickels
    Une plongée au coeur de ce qui fait fibrer notre planète pour accompagner ceux qui vivent avec ces éléments quotidiennement.
  • ALL IN THIS TEA de Les Blank
    Après l’ail ( son Garlic is as good as ten Mothers!) voici une célébrati!
    on du thé qui s’apparente à une dégustation de Grands Crus dans le domaine du vin
  • BRUNO MANSER-LAKI PENAN de Christoph Kühn
    Et si le mythe de Tarzan avait existé ? La magnifique histoire de l’homme “penan” qui voulait sauver les forêts de Bornéo.

Les autres programmateurs

À noter: les programmateurs n’ont pas nécessairement vu tous les films, plusieurs d’entre eux ont accepté de me faire parvenir des listes.

Charlotte Selb, coordonnatrice à la programmation

Ses coups de coeur:

  • Can Tunis
  • Street Thief
  • The Big Sellout
  • À côté
  • The Monastery

Pepita Ferrari

  • PROMISED PARADISE – Le réalisateur a trouvé un moyen de monter son film avec une approche artistique qui nous amène sur plusieurs niveaux de réflexion. Qu’est qui est du monde réel et qu’est qui est fabriqué par le réalisateur – les deux sont impeccablement entrelaçés. Des fois c’est vraiement un défi d’essayer de comprendre comment le réalisateur a réussi à avoir tant d’accès et tant d’intimité avec ces intervenants. Le côté visuel de ce film est exceptionellement fort.
  • HOTEL 9 ÉTOILES – une trame narrative très forte et emotionelle; un cinéaste très impliqué par l’histoire qu’il veut raconter; des personnages centraux très sympathiques et attirants; un travail au caméra et au montage exceptionellement bien fait.
  • EN LO ESCONDIDO – un narratif très fort malgré la traitement visuel exceptionellement simple; un caractère central très attirant; une approche visuelle unique – au début un peu fatiguant mais plus on avance, plus on l’apprécie.
  • BLOCKADE – un film très rare à voir; un travail méticuleux avec les archives et construit avec une piste d’ambience si convaincante; très émouvant.
  • THE BIG SELLOUT – incroyablement bien fait! Un structure et fil narratif très bien bâti malgré les quatre histoires dispersées. Des personnages centraux très, très emouvants et inspirants. Un regard du cinéaste très précis et puissant. Très bien tourné et monté.
  • MY COUNTRY, MY COUNTRY – un film très impressionant pour le regard du cinéaste, son approche meticuleuse à l’image et la structure du film et pour son accès à des personnages et des endroits pas évidents.
  • LE DÉSHONNEUR DES CASQUES BLEUS – une enquête très bien construite et convaincante qui n’est pas assez reconnu; la cinéaste nous présente un film très raffiné sur toute les niveaux même la trame sonore; non juste une polémique mais un film qui nous propose des solutions.

Pascale Ferland

  • Scènes de chasse au sanglier de Claudio Pazienza
  • Junior de Stéphane et Isabelle
  • Le système Poutine de Jean-Michel Carré
  • Bruno Manser Laki-Penan Christoph Kühn

Danièle Lacourse

  • De l’autre côté du pays
  • Blockade
  • 4 elements
  • Natureza morta
  • Hotel 9 stars
  • The big sell out
  • Stone Time Touch
  • Can Tunis
  • ABC Colombia
  • Scènes de chasse au sanglier

Diane Poitras

4 elements, Jiska Rickels
Blockade, Sergeï Loznitsa
En lo Escondido, Nicolas Rimcon Gille
Sari’s Mother, James Longley
It’s always too late for freedom, Mehred Oskouei
Natureza Morta, Susanna de Sousa Dias
Promised Paradise, Leonard Retel Helmrich
Scènes de chasse au sanglier, Claudio Pazienza
Tarachime, Naomi Kawase

De la fondation Alter-Ciné:

Montréal, le 30 octobre 2007– Communiqué

La Fondation Alter-Ciné est heureuse d’annoncer que le documentaire s’étant mérité une bourse de la Fondation en 2005 sera présenté en compétition officielle dans la catégorie Caméra au poing lors de la 10e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal cette année.

Il s’agit du film Keiskamma: une histoire d’amour de la cinéaste sud-africaine Miki Redelinghuys:

“Sur la côte orientale de l’Afrique du sud où le fleuve Keiskamma se jette dans la mer, se niche le petit village de Hamburg. Peu de travail formel dans ce village où le VIH et le sida touchent la plupart des familles. Mais quelque chose de spécial arrive: 140 personnes travaillent ensemble pour créer une gigantesque tapisserie, un retable qui raconte leur histoire. Keiskamma suit la médecin Carol Baker qui voyage sur les routes cahoteuses du Cap oriental, de l’hospice aux visites à domicile, en passant par l’atelier où l’on brode le retable. Au cours de ses visites, Carol rencontre Nkululelo, un garçon de 13 ans, solitaire, aux yeux pétillants, qui a perdu sa famille décimée par le sida. Ce qui suit, c’est le récit de comment l’amour peut changer le cours d’une vie…”

Ce film sera présenté en primeur

Samedi le 10 novembre à 20h30 au Cinéma du Parc, 3575 avenue du Parc à Montréal. EN PRÉSENCE DE LA RÉALISATRICE.

Samedi le 17 novembre à 14h15 à la Cinémathèque québécoise, 335 boul. de Maisonneuve Est à Montréal

Ondes de Choc / Shock Waves

This is a partly bilingual post. Texte français en italiques.

Recently I had the opportunity to see, Shock Waves, an excellent doc on the struggle for democracy and accountability in Congo. This film was made by my former colleague at Radio-Canada television Hélène Magny and her husband Pierre Mignault, and produced by Nathalie Barton of InformAction in Montreal. It just won the Detroit Doc’s Festival award for “the documentary the most likely to change the world. ” At the heart of the film: Congo’s first truly national radio network, Radio Okapi. By covering the courageous forays of its journalists into different regions, the filmmakers explore country’s problems and attempts to address them.

Hélène Magny et Pierre Mignault

Hélène Magny and Pierre Mignault.

You can find all the information about the film in english on the producer’s web site.

J’ai récemment eu l’occasion de voir l’excellent documentaire Ondes de Choc sur la lutte pour la démocratie au Congo. Réalisé par mon ancienne collègue Hèlène Magny et son mari Pierre Mignault, le film est produit par Nathalie Barton à Informaction à Montréal. Au coeur du film, la première chaîne de radio nationale du Congo. Les déplacements et reportages de ses courageux journalistes permettent aux cinéastes de faire le tour des problèmes du pays et des efforts de démocratisation. Le film vient de gagner un prix à Détroit.

Why is it important to understand the present situation in the Congo ? You might want to read Jooneed Khan’s article in La Presse Nov 1st, where he argues that that country is the locus of the world’s worst humanitarian crisis. Also, describing a trip up the Congo river to Kisangani (remember Heart of Darkness ?) there’s an excellent article in the latest issue of Harper’s by Bryan Mealer. He is about to publish a book on the Congo, and claims 4 million people were killed there from 1996 to 2003.

This coming saturday night at 22.30 this film will be broadcast in Radio-Canada’s new documentary time slot, Zone Doc. This slot will on occasion make room for films longer than the usual 52 minutes, and will sometimes feature an interview with the filmmakers, as will be the case this saturday. All this is good news.

J’ai demandé à Hélène comment elle et Pierre ont eu l’idée pour le film. Sa réponse:

“En 2003 et 2004, j’ai été appelée à travailler sept mois comme rédactrice en chef régionale de radio Okapi à Kisangani et à Goma. Pierre a aussi travaillé deux mois et demi en 2005 à Goma. Après avoir constaté sur le terrain l’impact phénoménal de cette radio sur la démocratisation du Congo et sur la liberté d’expression, nous avons décidé d’en faire un film en 2006 en mettant en lumière le courage héroïque de ses journalistes. “

Quelle est la plus grande difficulté que vous avez rencontre ?

“Nous voulions faire un film sur le Congo à travers le travail de radio Okapi en suivant sur le terrain des journalistes en reportage dans trois régions du pays. Il nous est apparu fondamental de révéler le principal problème vécu quotidiennement par la population congolaise: le banditisme érigé en système au sein des forces armées qui pillent et violent en toute impunité et qu’on surnomme “tracasseries”. Tout au long du fleuve Congo, les militaires érigent des barrières, taxent ceux qui passent, les torturent s’ils n’ont pas de quoi payer, assujettissent les femmes à des abus sexuels. Au cours d’un reportage avec le journaliste André Kitenge sur le fleuve, nous avons été confrontés à ce phénomène. Nous avons donc décidé de filmer la situation clandestinement. Mais l’utilisation d’une caméra cachée au Congo, si elle est découverte, peut entraîner de graves conséquences. Complètement isolés en pleine brousse, nous avons eu de la chance.”

I asked Hélène how she and Pierre had the idea for the film. She says:

“In 2003 and 2004 I was asked to work for seven months as regional chef editor for Okapi radio in Kisangani and at Goma. Pierre also worked in 2005 for two and half months in Goma.

While working we witnessed the phenomenal impact that this radio station had on the democratization of the Congo and also on freedom of speech – so we decided in 2006 to throw the light on the heroic bravery of these radio journalists.”

What was the biggest difficulty that you encountered?

“We wanted to make a film on the Congo through the work of Radio Okapi by following the journalists on the job in three regions of the country as it seemed fundamentally important to reveal the main daily problem experienced by the Congolese people which is: banditry –a central system – set up by the armed forces who pillage and rape with impunity and nicknamed the Harassers.

All along the banks of the Congo the Harassers build blockades to tax people who want to pass, and torture those who refuse to pay, and subject the women to sexual abuse.

While covering a story with the journalist, Andre Kitenge, we were confronted by this phenomena and therefore decided to film the situation clandestinely – yet the use of a hidden camera, if discovered, can bring about some serious consequences. As we were completely isolated in the middle of nowhere, in the bush, we had the chance to film.”

( Merci à Jeannette Pope pour la traduction.)